Giuseppe Verdi, le chœur au premier plan

Comme beaucoup de compositeurs avant lui, et comme Puccini un demi-siècle plus tard, Giuseppe Verdi est né en milieu rural et a connu sa première initiation à la musique avec un modeste maître de chapelle. Il s’appelait Pietro Baistrocchi ; il fit entrer le tout jeune garçon dans la maîtrise paroissiale de Roncole et lui donna ses premières leçons. Ainsi le répertoire choral fut-il à la source de cette passion pour la musique qui emporta Giuseppe Verdi jusqu’aux plus hauts sommets de l’art lyrique.

 

Le compositeur n’a pas encore trente ans lorsqu’en 1842, à la Scala de Milan, éclate le coup de tonnerre de Nabucco. La péninsule bouillonne alors de passions nationalistes et aspire à se délivrer du joug autrichien. Le chœur « Va pensiero », chanté par les Israélites, esclaves du roi d’Assyrie Nabuchodonosor, deviendra bientôt un hymne de libération pour les Italiens aspirant à l’unification de leur patrie.

Mais il ne faut pas oublier que Nabucco fut avant tout l’éclatante manifestation du génie de Verdi. L’écriture vocale y ouvre de nouvelles voies, pleinement dramatiques, au lyrisme issu du bel canto. L’orchestre sonne tonitruant, emporté, mais aussi très subtil, avec de magnifiques transparences, des alliages inédits, et il sculpte l’espace de manière très suggestive. L’écriture chorale elle-même est d’une inventivité qui bat en brèche les modèles consacrés : « Va pensiero » n’a rien d’un hymne religieux. Surtout, Verdi commence à proposer au chœur non pas un seul rôle mais plusieurs. Ainsi, « E l’Assiria una regina », célébrant la prise de pouvoir de la princesse Abigaille, est entonné par les Assyriens, non par les Hébreux.

 

Le compositeur ne cessera de diversifier les interventions du chœur dans ses ouvrages ultérieurs. Certes, il lui redemandera souvent d’incarner tout un peuple ; il fait ainsi chanter, dans Attila, en 1846, les Italiens menacés par la horde des Huns. Dans Macbeth, l’année suivante, la résistance au tyran sanguinaire qu’est devenu le héros shakespearien s’incarne dans un chant qui évoque directement les souffrances du peuple (« Patria opressa »).

 

Néanmoins, chez Verdi, le chœur restera un acteur protéiforme, nullement condamné à incarner l’unanimité patriotique. Le reste de notre programme en témoigne, avec des pages résolument tournées vers le pittoresque et le divertissement. Les scènes guerrières et religieuses qui alternent dans Le Trouvère sont ainsi complètement éclipsées par celle des gitans, « Vedi ! le fosse notturne spoglie », hautement suggestif, qui reste aujourd’hui la page la plus célèbre de l’ouvrage. Et les noceurs qui trinquent avec Violetta et Alfredo dans le « Libiamo » de La Traviata, n’hésitent pas à se déguiser un peu plus tard en bohémiennes et en matadors pour le plus grand plaisir des spectateurs. Le chœur, chez Verdi, est un héros toujours sur la brèche.

 

Alain Surrans, directeur général d'Angers Nantes Opéra

 

© Giovanni Boldini : portrait de Giuseppe Verdi (Roncole, 10 octobre 1813 - Milan, 27 janvier 1901). Rome, Galerie Naionale d'Art Moderne

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