Entretien avec Damien Guillon, contre-ténor

"Les scènes se répondent en un jeu de miroir et d’association de mouvements."


Après San Giovanni Battista d’Alessandro Stradella en 2018, le haute-contre Damien Guillon revient à Angers Nantes Opéra avec son ensemble Le Banquet Céleste pour Dreams, une rêverie sur des mélodies de Dowland et Purcell. Il incarne son propre rôle de chanteur dans un spectacle mis en scène par Cécile Roussat et Julien Lubek, où musique, danse et magie se reflètent en un troublant jeu de miroir.


Comment présenteriez-vous Dreams ?

 

Le point de départ de ce spectacle, ce sont les Songs de Dowland et de Purcell que j’ai eu l’occasion d’interpréter en concert. J’ai été très marqué par l’émotion du public, que ces musiques plongent dans un état contemplatif. Une scénographie est née de ce programme, mais Dreams ne raconte pas une histoire. J’interprète en effet mon propre rôle de chanteur, et l’on découvre par petites touches un décor fantasmagorique inspiré des cabinets de curiosité, dans une succession de tableaux. J’arrive par hasard dans un théâtre, où je chante et j’évolue sur scène face à un danseur acrobate qui est mon double. C’est ainsi que les scènes se répondent en un jeu de miroir et d’association de mouvements. Il ne s’agit pas non plus d’une version de concert, les musiciens étant en costumes. Des effets de magie créent une atmosphère féerique, dans le prolongement de la musique.


Qu’est-ce qui vous touche chez Dowland et Purcell et comment avez-vous choisi les partitions ?

 

Je chante Dowland depuis longtemps et je suis touché par l’économie de moyens, un chanteur et un luth. Le langage est savant et la musique très technique, mais cette pureté va droit au cœur. Il y a de plus une mélancolie caractéristique de la période élisabéthaine, que l’on retrouve dans le théâtre et la littérature, et qui m’atteint intimement. Je suis toujours impressionné par l’accueil enthousiaste du public face à l’austérité et la gravité de ce répertoire, qui déclenche une réelle émotion. Un siècle sépare Dowland de Purcell, ils n’ont pas le même langage musical mais il y a une certaine filiation. Le clavecin et la basse continue remplacent le luth, ce qui n’empêche pas une même simplicité. La musique de Purcell a également un caractère chambriste et intime ; c’est le style qui évolue avec l’apparition de l’opéra.  Les metteurs en scène ont eu leur mot à dire dans le choix des pièces. Je leur en ai soumis quelques unes pour qu’ils gardent celles qui les inspirent et les touchent le plus. Nous avons construit le contenu du spectacle tous ensemble, avec les musiciens, pour avoir le plus de cohérence possible.


Quelles sont les difficultés de ces répertoires ?

 

Avec Dowland, le luth impose une manière de chanter différente. Ce n’est pas un instrument puissant, il faut donc savoir ajuster le volume sonore afin de trouver un équilibre  pour s’intégrer au son qu’il produit. On a le sentiment d’être un peu plus à nu, ce qui implique un contrôle technique important. La manière de chanter est plus lyrique et plus opératique chez Purcell, les sentiments s’expriment et on a le soutien de deux ou trois instruments. On doit donc trouver des couleurs différentes pour passer d’un univers à l’autre.

 

De quelle manière qualifieriez-vous le spectacle de Cécile Roussat et Julien Lubek ?

 

J’ai tout de suite pensé à eux pour Dreams. Ils ont tous deux fait l’école du Mime Marceau, Cécile est danseuse baroque tandis que Julien a une formation de danseur et a fait beaucoup de magie. On leur doit des mises en scène d’opéras baroques, dont Didon et Enée  de Purcell à Rouen ; c’est pourquoi ils connaissent bien ce répertoire. Ce spectacle a été créé de toutes pièces à partir d’une matière musicale, la mise en scène illustrant les affects de chaque morceau. La magie, le beau travail des lumières et le double dansé du chanteur apportent beaucoup de poésie, dont il résulte un lien très intime entre la musique, la scénographie et le mouvement.

 

Quelles sont vos grandes fiertés à la tête du Banquet Céleste que vous avez fondé en 2009 ?

 

Je suis fier d’avoir réussi à fédérer une équipe d’instrumentistes et de chanteurs, qui a envie de jouer et de faire des projets ensemble. C’est une aventure humaine et j’aime travailler avec des gens avec qui je ressens autant d’affinités musicales.

 

 


Angers Nantes Opéra