Entretien avec Guy Montavon, metteur en scène


Guy Montavon, directeur général du Théâtre d’Erfurt en Allemagne, nous propose sa vision de Luisa Miller de Verdi, à l’invitation d’Angers Nantes Opéra. Passionné par le bel canto et les premiers opéras de Verdi, il nous raconte son expérience de metteur en scène entre direction des chanteurs, adaptation de mise en scène et recherche de nouvelles idées.


À quel type de mise en scène faut-il s’attendre pour cette production ?


Guy Montavon : Ce sera un décor assez nu avec certains accessoires pour signifier l’espace dans lequel on se trouve. À Erfurt, nous sommes juste à côté de Weimar, où ont vécu Schiller et Goethe. Nous avons donc cherché une lecture qui puisse aussi bien fasciner les Allemands – c’est plus facile puisque Luisa Miller fait partie de leur patrimoine, que les Français. Esthétiquement, on est donc un peu entre deux cultures. 

 

À quelles difficultés pouvez-vous faire face dans la direction des chanteurs ?


En tant que metteur en scène, ma priorité est ce qui se passe sur scène. Si un chanteur n’est pas du même avis, on discute. C’est un travail de dialogue. Mon devoir est de convaincre que j’ai raison et, quelques fois, on corrige le tir. Cela fait maintenant quarante ans que je suis dans le métier, au bout d’un moment on a une certaine expérience ! J’ai travaillé avec de grands chanteurs, des débutants, des étudiants… Il faut être diplomate et bien connaître l’œuvre.

 

Vous parlez de dialogue, est-ce qu’il arrive que les chanteurs vous suggèrent des idées  par rapport à votre projet initial de mise en scène ?


Il y a quelques années, à Monaco, j’ai monté un autre opéra de jeunesse de Verdi :  Stiffelio. Le rôle-titre était tenu par José Cura. C’est quelqu’un qui s’intéresse beaucoup à la mise en scène, et, avec lui, on a décidé de changer la fin. Sur le devant de la scène, il y avait une grande Bible ouverte. José Cura m’a dit que cela serait sans doute mieux que, dès le lever de rideau, le personnage apparaisse pleurant sur la Bible. C’était en effet une très belle image. Quand j’ai face à moi un interlocuteur qui sait de quoi il parle et qui a des arguments fondés, je suis le premier à écouter et à changer les choses. 

 

On parle beaucoup de Verdi pourtant vous avez mis en scène bien des compositeurs ! Quel est votre répertoire de prédilection ?


C’est le bel canto, Rossini, Donizetti, Bellini et les opéras de jeunesse de Verdi. D’un autre côté, on me propose souvent de monter des opéras français : Faust, Mignon, Cendrillon, un répertoire que les Allemands connaissent très peu. Cela fait maintenant trente-cinq ans que j’habite en Allemagne, mais on me demande régulièrement de faire des opéras français à l’étranger, par exemple en Croatie ou en Lettonie, parce que cette langue est ma langue maternelle, et ce n’est pas toujours facile de trouver des metteurs en scène qui comprennent le texte original. L’opéra que j’ai le plus mis en scène, c’est Carmen. J’aime aussi beaucoup Wagner, je les ai presque tous faits, à part Tristan ! En 2024, on va partir pour un Ring à Erfurt. 

 

Qu’est-ce qui vous plaît dans le bel canto ?


C’est une musique très bien structurée qui suit des critères musicologiques précis : récitatif, air, cabalette. Par ail­leurs, les com­positeurs de bel canto racontent des histoires à première vue banales, mais qui peuvent être stupéfiantes dès que l’on entre dans le sujet de l’œuvre, et qu’elles sont adaptées à notre XXIe siècle. Il y a une grande liberté d’expression et de messages scéniques à travers ces opéras qui ont parfois l’air un peu rigides.

 

L’Allemagne est-il le laboratoire que l’on imagine du point de vue de la mise en scène ?


C’est à l’Allemagne que l’on doit le dévelop­pement de l’art lyrique. C’est un pays qui aime l’interprétation, qui aime voir de nou­velles choses, voir les problèmes qui nous occupent aujourd’hui. C’est fantastique ! Pour cela, il y a une infrastructure grandiose de 180 théâtres subventionnés par l’État, qui vont des petites villes à la capitale. 


Propos recueillis par Charlotte Landru-Chandès (2022)

Angers Nantes Opéra