Portrait

Boris Charmatz, chorégraphe

Générer du désordre, de l’imprévisible dans la mécanique des corps : à l’image des états de tension et de relâchement auquel il sou­met la danse, le rapport qu’entretient le chorégraphe Boris Charmatz avec la musi­que est marqué par un goût de l’hétérogène et du bouleversement. Accompagné du compositeur Olivier Renouf, il a exploré de multiples configurations – de résonances, de superpositions, de vibrations – générant du mouvement au milieu d’un magma de sonorités disparates. Si ses premières pièces telles que Herses (une lente introduction), Con forts fleuves, ou Quintette cercle, s’ap­puient principalement sur des com­po­si­teurs con­temporains (Helmut Lachenmann, Otomo Yoshihide, Galina Ustvolskaya), son travail chorégraphique a laissé pro­gressivement une place de plus en plus grande à la voix émise par les interprètes : voix chantée, parlée, chuchotée – semblable à une diffraction de la matière musicale qui traverse les corps. La bouche, les muscles, les articulations agissent ainsi comme une substance proliférante faite de couches qui s’entremêlent, dans un nouage sans cesse renouvelé entre mouvement et oralité – parole, geste et débordement du cadre. En canon dans enfant, mâchonnée ou murmurée dans Manger, criée ou chantée dans Danse de nuit, égrainée jusqu’à l’épuisement dans infini, la matière vocale transite par les corps, les tord ou les apaise. Dans somnole, sa dernière création, la voix s’amenuise en deçà du sens, réduite à un fin filet de souffle – un sifflement qui laisse affluer dans ses membres toutes les musiques et les spectres qui le meuvent.


Portrait réalisé par Gilles Amalvi (2022)

Angers Nantes Opéra