Jean Lacornerie, metteur en scène et Xavier Ribes, chef de Chœur échangent leurs réflexions sur le projet « À nous la liberté ! », promesse d’un moment de partage musical très fraternel.
Comment ce concert sur le thème de la liberté s’est-il construit ?
Jean Lacornerie : Le programme s’appuie sur plusieurs moments historiques, le Chant du neuf thermidor et le chœur des prisonniers d’Il Piccolo Marat, de Pietro Mascagni, évoquant l’époque de la Terreur, ou plus symboliques comme celui de Fidelio et les grandes pages patriotiques de Giuseppe Verdi. Mais il y aura aussi des moments plus détendus, pleins d’espoir et d’une forme d’allégresse, manifeste dans le film de René Clair, À nous la liberté, qui a donné son titre à ce concert mis en scène. La liberté peut aussi être une fête.
Xavier Ribes : À l’opéra, l’élan collectif s’incarne dans le chœur. Ensemble, on chante la liberté, mais on célèbre aussi l’égalité et cette fraternité. Avec le Chœur d’Angers Nantes Opéra, nous traversons sans cesse ces valeurs comme nous traversons les répertoires, lyriques, religieux ou populaires, avec le plus d’agilité possible.
Quel rythme et quelles images cette mise en scène va-t-elle apporter ?
J. L. : Nous allons construire des tableaux sur des ambiances lumineuses ponctuées d’apparitions et de disparitions, afin de donner une plus grande force au groupe et lui permettre de se déployer dans l’espace.
X. R. : Chacun dans notre chœur est une voix, mais d’abord un musicien, un corps en mouvement, mais d’abord un artiste de la scène. Unir le geste au chant nous est consubstantiel.
Comment travailler avec le Chœur sur un tel projet ?
J. L. : Je fais souvent appel à un chorégraphe pour accorder l’écoute collective du mouvement à l’écoute réciproque des voix. Il n’y a rien d’équivalent à la puissance d’un chœur d’opéra, qui peut être intimidante pour un metteur en scène. Mais ce dernier doit travailler à la fois le collectif et chacun des individus qui le composent. Il est indispensable d’apprendre à se connaître.
X. R. : S’agissant d’un choeur permanent comme le nôtre, tous les artistes qui le composent se connaissent très bien. C’est comme une compagnie, travaillant collectivement chaque jour et vivant une vraie vie de troupe. Une troupe itinérante : songez que, ces deux dernières années, nous nous sommes produits à Bordeaux pour la Neuvième Symphonie de Beethoven, à l’Opéra de Massy pour Hamlet d’Ambroise Thomas, et, quelques mois auparavant, à l’Opéra national du Rhin dans Lohengrin de Richard Wagner.
Quels sont vos souvenirs les plus forts de ces dernières années ?
X. R. : Les occasions de partager avec d’autres la solidarité qui nous unit ont toujours été très émouvantes. Nous allons proposer à nouveau, cette saison, un concert au centre de détention de Nantes. Le précédent avait été un moment rare et bouleversant, comme le fut cette soirée partagée sur la scène du Théâtre Graslin avec la chorale de sans-abri Au Clair de la Rue. De telles propositions apportent à la musique et au chant une dimension humaine rare et précieuse. Parmi mes souvenirs les plus marquants, je veux aussi citer celui d'avoir pu rejouer Lohengrin, la saison dernière. Cet ouvrage a été mon tout premier opéra à mon arrivée à Angers Nantes Opéra, il y a plus de 20 ans. On y trouve la force dramatique et la présence vibrante inhérentes aux chœurs d'opéra.
J. L. : Je suis aussi sensible aux chœurs du Boris Godounov de Modeste Moussorgski, puissantes incarnations du peuple, qu’à des expériences plus légères, plus festives, comme celle que j’ai vécue avec La Chauve-Souris de Johann Strauss II. Je ne doute pas que la joie sera au rendez-vous avec notre projet « À nous la liberté ! ».
Propos recueillis par Christophe Gervot, printemps 2025