La Clémence de Titus... en 5 anecdotes

1°Un opéra composé en dix-huit jours ?

La Clemenza di Tito fut créée à Prague le 6 septembre 1791 alors que débutaient à Vienne les répétitions de La Flûte enchantée. La commande de l’impresario Domenico Guardasoni n’avait pu arriver qu’après la décision des Etats de Bohême, au début juillet, de célébrer par une création le couronnement de l’empereur Leopold II. La légende a donc pu très logiquement se répandre d’un opéra composé en un temps record, 18 jours –  Mozart avait dû attendre en effet la révision de la pièce de Métastase par son librettiste Caterino Mazzolà, avant de se mettre au travail. Mais l’on sait que le compositeur avait déjà été en contact avec Guardasoni deux ans plus tôt pour un autre projet dont on ne sait rien. Or si le sujet de La Clemenza di Tito, célébrant la magnanimité d’un empereur, convenait bien à la circonstance, le livret de Métastase avait déjà été mis en musique plusieurs fois et pouvait bien avoir été choisi dès ce premier contact entre Mozart Guardasoni. Certes, le compositeur n’a pas laissé d’esquisses antérieures à 1791. Mais il aurait sans doute pu dire, au moment de la commande officielle, ce qu’il avait déclaré dix auparavant au sujet d’Idomeneo : « Tout est déjà composé mais pas encore écrit. »

 

2°Une impériale commande    

Leopold II arrivait de Toscane, dont il était le grand-duc, pour succéder à son frère Joseph II comme empereur d’Autriche, roi de Hongrie et roi de Bohême. C’est pour son couronnement pragois que fut créée La Clemenza di Tito. Mozart avait pu en outre, quatre jours avant cette création, diriger devant lui son Don Giovanni. On a dit que la nouvelle impératrice, Marie-Louise d’Espagne, avait qualifié la musique de Mozart de « porcheria tedesca » (porcherie germanique), mais l’injure visait sans doute plus large, tant l’épouse du souverain regrettait le ciel d’Italie. Mozart, décédé deux mois plus tard, ne put malheureusement nouer de relations avec Leopold II. Le souverain ne lui survécut pas longtemps. Il mourut à Vienne le 15 mars 1792, rongé par de multiples inquiétudes, notamment celle que lui inspirait le sort de sa sœur Marie-Antoinette, reine de France. Son règne avait duré à peine deux ans, encore moins que celui de Titus.

 

3°Un castrat sur le déclin

Mozart avait pensé le rôle de Sesto pour un ténor. Mais c’est un soprano-castratto, Domenico Bedini, qui lui fut imposé pour la création de La Clemenza di Tito. Mozart n’avait pas composé pour un soprano masculin depuis Idomeneo, dix ans plus tôt, mais il n’avait pas oublié les possibilités expressives de ce registre aigu, soulignant chez un héros de tragédie toutes ses ambiguïtés, ses excès, sa tendresse aussi. Un tel registre convenait parfaitement pour Sesto, écartelé entre sa loyauté et son amour. Les airs composés pour Bedini furent très applaudis mais certaines voix, en coulisse, suggérèrent que Mozart n’avait pas été pleinement satisfait de son interprète. Ce castrat célèbre dans toute l’Italie était âgé de quarante-cinq ans déjà et ne devait plus beaucoup se produire dans les années suivantes. On l’entendit encore en 1793 à Vérone, à Ascoli l’année suivante, puis l’on perd sa trace. Le déclin de Bedini était consommé. Lorsque Constance, la veuve de Mozart, organisa en décembre 1794 une reprise de La Clemenza di Tito au Kärntnertor Theater de Vienne, elle ne fit appel pour le rôle de Sesto ni à Bedini, ni à un castrat, mais à sa sœur Aloysia, pour qui Mozart avait écrit plusieurs rôles. Désormais, Sesto serait chanté par une femme.

 

4°Rome brûle-t-elle ?

L’histoire a retenu le grand incendie de l’an 64, que l’empereur Néron fut accusé d’avoir allumé. Celui de 80 est presque oublié, alors qu’il dura plus de trois jours. Au moins La Clémenza di Tito en perpétue le souvenir. Il est vrai que le règne de Titus fut marqué par une autre catastrophe demeurée, elle, dans toutes les mémoires : l’éruption du Vésuve qui, en juillet ou en octobre 79 (la date exacte est inconnue) ensevelit sous la cendre et la lave les villes de Pompéi et Herculanum. Mais l’incendie de Rome fut lui aussi meurtrier et causa de grands dommages à des monuments tels que le Panthéon, le Capitole et les thermes d’Agrippa. Titus avait à peine entrepris de les restaurer qu’un autre fléau survint : la peste, à laquelle il succomba lui-même le 13 septembre 81. Rome allait brûler encore deux fois avant la fin de l’empire : en 191 sous l’empereur Commode, puis en 283 sous l’empereur Carus.

 

5°Le triomphe de la clarinette

Elle avait fait son entrée dans l’orchestre chez Haendel et Rameau, au milieu du XVIIIe siècle. Plusieurs compositeurs de l’empire d’Autriche lui avaient confié de jolis concertos. Mais aucun ne fit autant pour la clarinette que Wolfgang Amadeus Mozart. Son concerto et son quintette, tous deux en la majeur sont des piliers du répertoire pour l’instrument, mais c’est aussi dans l’orchestre, et notamment celui de ses opéras, que Mozart a su magnifier les qualités musicales et expressives de la clarinette. Dans La Clémence de Titus l’air de Sesto, « Parto, parto » et celui de Vitellia, « Non piu di fiori », accompagné par un cousin de la clarinette, le cor de basset, en témoignent avec éloquence. A la création de l’ouvrage, les deux instruments étaient joués par le même musicien, Anton Stadler, l’un des amis les plus chers au cœur de Mozart, qui fut très applaudi, ainsi que le mentionne le compositeur dans l’une de ses lettres à son épouse. Un virtuose, mais surtout un musicien inventif et inspiré.

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